Le temps tombé du ciel : semaine 12 / La vie au temps du coronavirus / Photographe documentaire à Montréal

30 mai

E., notre proprio, a les meilleures idées. Voilà qu’elle t'a fabriqué un M. Gazon avec un vieux bas-nylon, un peu de terre, des graines de gazon et des boutons. Depuis le 5e jour d'arrosage, les brins d'herbe poussent. Aujourd'hui, tu as décidé que c'était le temps d'une coupe pour M. Gaga (le surnom que tu lui donnes)!

Hors-photo, sache que c'est la véritable renaissance dans nos moyens de transport : nous avons maintenant un dispositif qui nous permet d'attacher ton vélo derrière le nôtre, et nous balader en tandem!

31 mai

« Maman, est-ce que tu peux me prendre en photo? Avec, tu sais, tes deux caméras? »

Je t'avais dit que je te montrerais comment je travaille maintenant, avec mes deux boîtiers sur moi, attachés à mon harnais de cuir. Tu avais attendu patiemment que je revienne de ma séance pour me demander.

C'est si rare que tu veuilles te faire photographier comme ça... Que tu aies envie que je te regarde de près dans les yeux, à travers mon objectif. Que je puisse utiliser mes stratagèmes de portraits d'enfant, qui révèlent les richesses des profondeurs et les yeux pétillants.

Toi, qui sembles avoir pris 5 ans d'âge, de corps et de cœur, ces dernières semaines.

Toi, dont la beauté me bouleverse chaque jour.

1er juin

Depuis deux jours déjà, une étrange visiteuse attire l'attention à Montréal : une baleine à bosses s'est égarée et a remonté le courant jusqu'ici. Déjà au courant de la semaine, son passage sous le pont de Québec, puis en amont vers Trois-Rivières, puis Sorel, avait fait jaser. Voilà qu'elle a élu domicile entre l'île Sainte-Hélène et le Vieux-Port, traversant parfois sous le pont Jacques-Cartier vers l'est. Le jour, elle barbotte tranquillement, alors qu'en fin de journée, elle se donne en spectacle en démontrant ses talents de sauteuse. Gracieux dix-roues dans le courant. Elle semble beaucoup s'amuser, mais tous ici se demande quand – et si- elle retournera chez elle un jour.

Nous sommes allés à vélo. Après avoir réussi de peine et de misère à traverser la rue Notre-Dame de nouveau bien fréquentée par les camions de livraison long-cour et autres navetteurs pressés, nous avons atteint le parc Bellerive. Il était un peu avant 10h, et déjà quelques curieux s'étaient installés le long des clôtures qui longe le port pour surveiller des signes de la baleine. Notre informatrice, membre de l'escouade nautique du SPVM en charge de veiller à la distanciation des embarcations d'avec le cétacé, nous avait informé qu'elle se trouvait dans le coin de Frontenac.

Elle avait raison : tout de suite après être arrivés, nous avons vu son souffle, son dos, sa queue. Une baleine devant nos yeux!

Ton intérêt pour le cétacé fût de courte durée, fasciné que tu étais pas les trains du port : « Je préfère regarder les trains, moi! »

2 juin

Aujourd'hui, nous avons appris que tu avais une place à la garderie à partir du 15 juin. Comme j'ai déjà repris le travail, et que je commence à être très fatiguée de ce marathon de soins quotidiens, nous avons accepté. Tu pourras retrouver tes amis! Et quand je te pose la question « as-tu hâte de retourner à la garderie? », tu me réponds un grand « OUI » tout enthousiaste. (j'ai déjà vérifié deux fois, bien neutre et sans réponse induite).

Entendu aujourd'hui : «  Pour aller sur la Lune, on va prendre nos vélos volants. »

3 juin

Depuis quelques semaines déjà que tu n'avais pas revu ta grande amie A. Depuis l'ouverture des modules de jeux, les enfants se rapprochent, qu'on le veuille ou non. Après avoir fait plutôt attention pendant plusieurs minutes, c'était plus fort que vous, et vous avez glissé enlacés.

4 juin

Sporadiquement, cycliquement, ton rêve proclamé est de devenir pompier. Ces derniers temps, tu t'exerces à la lance : tu arroses la cour – ton sport préféré. C'est du sérieux!

Du coup, tu réduis la tâche d'une des locataires d'en-bas. Et il n'y a pas à dire, notre cour est verdoyante!

5 juin

Aujourd'hui, tu es allé dans les jeux d'eau pour la première fois de l'été. On dirait bien que cette année, tu vas aimer! Tu étais si fier d'avoir traversé les jets de la grande loupe!

En soirée, nous avons enfin reçu des amis à souper - dans la cour, bien sûr. Une première! Tu étais si content... après tout, c'est toi qui avait suggéré les heureux élus. On a bien profité, mais ils sont rapidement partis quand il s'est mis à pleuvoir.